Le Guet Royal: Dans le Halo des Lanternes, le Visage Caché du Mal se Dévoile

Paris, 1847. Une nuit d’encre, épaisse comme les secrets qu’elle dissimule, enveloppe les rues tortueuses du quartier du Marais. Seule, la pâle lumière des lanternes à gaz, vacillant sous l’assaut d’un vent perfide, perce l’obscurité. Elles sont les yeux de la ville, ces lanternes, et ce soir, elles semblent scruter avec une intensité particulière, comme si elles pressentaient l’imminence d’un drame. Un drame dont je serai, malgré moi, le témoin.

Le pavé, rendu glissant par une pluie fine et persistante, résonne sous les pas lourds des sergents de ville. Leur présence, d’ordinaire rassurante, ajoute ce soir une note d’inquiétude à l’atmosphère déjà pesante. On murmure, dans les bouges enfumés et les ruelles sombres, de disparitions mystérieuses, de visages aperçus dans le halo des lanternes, puis aussitôt engloutis par la nuit. Des visages porteurs d’une ombre, d’une menace que l’on ne sait nommer, mais que l’on sent planer, lourde et implacable, sur la capitale.

Le Cri dans la Nuit

J’errais, ce soir-là, dans les environs de la place Royale, cherchant l’inspiration pour mon prochain feuilleton. La plume me démangeait, mais les idées se faisaient rares. Soudain, un cri perçant, strident, déchira le silence de la nuit. Un cri de femme, porteur d’une terreur absolue. Instinctivement, je me précipitai dans la direction du son, mon cœur battant la chamade. La lanterne la plus proche projetait une lueur blafarde sur la scène qui s’offrit à mes yeux: une silhouette sombre s’enfuyait à toutes jambes, laissant derrière elle un corps inanimé, gisant sur le pavé.

La victime était une jeune femme, vêtue d’une robe de soie déchirée. Son visage, maculé de sang, était figé dans une expression de douleur et d’effroi. À son cou, une écharpe de velours noir, serrée avec une force brutale. J’étais pétrifié, incapable du moindre geste. Puis, les sergents de ville arrivèrent, attirés par le cri. Leur chef, un homme massif au visage buriné, le sergent Picard, me lança un regard interrogateur. “Vous avez vu quelque chose, monsieur?” me demanda-t-il d’une voix rauque. Je lui racontai ce que j’avais aperçu, décrivant la silhouette fuyant dans l’ombre. Picard prit des notes avec un air grave. “Encore une,” murmura-t-il, “la troisième en un mois.”

L’Ombre de l’Hôtel du Louvre

Le sergent Picard me confia que les victimes étaient toutes des jeunes femmes, issues de milieux modestes, et qu’elles avaient toutes été retrouvées étranglées avec une écharpe de velours noir. L’enquête piétinait, faute de preuves et de témoins. Picard semblait convaincu que le coupable était un homme de pouvoir, un notable qui agissait dans l’ombre, protégé par son statut. Il me demanda, avec une insistance étrange, de ne rien écrire sur cette affaire dans mon feuilleton. “Cela ne ferait qu’effrayer la population et compliquer notre tâche,” me dit-il. Mais mon instinct de journaliste était plus fort que la prudence. Je sentais que cette affaire cachait quelque chose de bien plus sinistre qu’un simple crime passionnel.

Je décidai de mener ma propre enquête, arpentant les rues de Paris, interrogeant les habitants, les tenanciers de bouges, les filles de joie. Mes recherches me menèrent à l’Hôtel du Louvre, un établissement de luxe fréquenté par la haute société parisienne. On murmurait que cet hôtel était le théâtre de soirées secrètes, de jeux d’argent et de plaisirs interdits. Un soir, déguisé en groom, je parvins à m’introduire dans l’hôtel. Je pus observer, à travers les portes entrouvertes, des scènes de débauche et de corruption. Des hommes d’âge mûr, aux visages rougis par le vin, courtisaient de jeunes femmes, leur offrant des bijoux et des promesses fallacieuses. L’atmosphère était lourde, suffocante, imprégnée d’un parfum de décadence.

Le Secret de l’Écharpe Noire

Dans une des salles de l’hôtel, je remarquai un homme en particulier. Il était grand, élégant, avec un visage fin et des yeux perçants. Il portait une écharpe de velours noir autour du cou. Mon sang se glaça. C’était la même écharpe que celle retrouvée sur les victimes. Je suivis cet homme à distance, essayant de ne pas me faire remarquer. Il quitta l’hôtel vers minuit et se dirigea vers le quartier du Marais. Je le vis entrer dans une maison délabrée, située dans une ruelle sombre. J’attendis patiemment, caché dans l’ombre, jusqu’à ce qu’il ressorte. Puis, je me précipitai dans la maison.

L’intérieur était sombre et désert. Une odeur de renfermé et de moisi flottait dans l’air. Dans une des pièces, je découvris un atelier clandestin. Des écharpes de velours noir étaient entassées sur une table. Au mur, des portraits de jeunes femmes, toutes ressemblant étrangement aux victimes. Soudain, j’entendis des pas se rapprocher. Je me cachai derrière un rideau, retenant mon souffle. L’homme à l’écharpe noire entra dans la pièce. Il était accompagné d’un autre homme, plus petit et plus corpulent, dont le visage était dissimulé sous un chapeau. “Alors, monsieur le marquis,” dit le petit homme d’une voix nasillarde, “avez-vous trouvé d’autres sujets pour vos tableaux?” Le marquis sourit d’un sourire froid et cruel. “Oui, mon cher docteur,” répondit-il, “Paris regorge de beautés à immortaliser.” Je compris alors l’horrible vérité: le marquis était un artiste pervers qui assassinait de jeunes femmes pour assouvir sa soif de beauté et de pouvoir. Le docteur, son complice, l’aidait à dissimuler ses crimes.

La Justice des Lanternes

Je sortis de ma cachette et dénonçai les deux hommes. Le marquis tenta de s’enfuir, mais je le rattrapai et le maîtrisai. Le docteur, lui, se jeta sur moi avec un couteau. Je parvins à le désarmer et à le frapper au visage. Les sergents de ville, alertés par le bruit, arrivèrent sur les lieux et arrêtèrent les deux criminels. Le marquis et le docteur furent jugés et condamnés à mort. L’affaire fit grand bruit dans toute la ville. Les lanternes de Paris, qui avaient été les témoins silencieux de ces crimes odieux, semblaient briller d’un éclat nouveau, comme si elles célébraient la victoire de la justice.

Mon feuilleton, relatant les détails de cette affaire, connut un succès retentissant. Le sergent Picard me remercia d’avoir contribué à démasquer le marquis et son complice. Il me confia que sans mon aide, ces crimes seraient restés impunis. Je compris alors le rôle essentiel des lanternes, ces modestes lumières qui, dans l’obscurité de la nuit, peuvent éclairer les recoins les plus sombres de l’âme humaine et révéler le visage caché du mal. Et moi, humble feuilletoniste, j’étais devenu, grâce à elles, un instrument de la justice.

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