Paris, 1685. La capitale du Roi Soleil, un phare d’élégance et de puissance, mais aussi un cloaque d’ombres et de misère. Derrière les façades dorées du Louvre et les jardins impeccables des Tuileries, une armée de gueux, de voleurs et d’escrocs se faufile dans les ruelles étroites, survivant grâce à l’ingéniosité criminelle. Le contraste est saisissant : d’un côté, la cour fastueuse où les diamants étincellent et le champagne coule à flots ; de l’autre, les bas-fonds où la famine ronge les corps et où le désespoir engendre la violence. La justice royale, impitoyable et souvent arbitraire, tente vainement d’endiguer ce flot de délinquance, mais la misère est une rivière indomptable qui déborde sans cesse.
Ce soir, dans le quartier du Marais, une silhouette sombre se détache des murs lépreux. C’est Jean-Baptiste de Valois, un jeune homme au visage angélique et aux yeux d’acier. Fils d’un noble ruiné par les jeux de hasard et les dettes d’honneur, il a appris très tôt que les titres ne nourrissent pas et que la seule loi qui vaille est celle du plus fort. Il est devenu un maître dans l’art de la dissimulation et de l’escroquerie, un “tire-laine” habile et audacieux qui s’attaque aux bourgeois ventripotents et aux courtisans distraits. Mais ce soir, Jean-Baptiste a un plan plus ambitieux en tête : il va cambrioler la demeure d’un riche percepteur d’impôts, un homme avide et cruel qui s’est enrichi en pressurant le peuple.
La Cour des Miracles et ses Secrets
Jean-Baptiste se faufile dans les ruelles sombres, guidé par la lueur vacillante des lanternes. Il arrive à la Cour des Miracles, un dédale de bouges et de taudis où se réfugient les mendiants, les estropiés et les criminels de tous poils. C’est un monde à part, régi par ses propres lois et ses propres codes d’honneur. Ici, Jean-Baptiste est connu et respecté sous le nom de “Le Faucon”, en raison de sa rapidité et de sa précision. Il se dirige vers une taverne sordide, “Le Chat Noir”, où il doit rencontrer son complice, un ancien soldat du nom de Pierre.
“Alors, Pierre, es-tu prêt ?” demande Jean-Baptiste en s’asseyant à une table bancale.
“Prêt comme jamais, mon Faucon,” répond Pierre en souriant d’une manière inquiétante. “J’ai les plans de la maison et les clés de la porte de service. Tout est prêt pour que nous fassions fortune.”
Jean-Baptiste hoche la tête. “Parfait. Mais souviens-toi, Pierre, pas de violence inutile. Nous ne sommes pas des assassins, mais des voleurs. Nous prenons ce qui nous est dû, rien de plus.”
Pierre ricane. “Comme tu voudras, mon Faucon. Mais si le percepteur se met en travers de notre chemin…”
Le Casse du Percepteur
À minuit, Jean-Baptiste et Pierre se glissent dans les rues désertes, en direction de la demeure du percepteur. La nuit est noire et silencieuse, seulement troublée par le bruit des pas des deux hommes sur les pavés. Ils arrivent devant la maison, une bâtisse imposante et austère, gardée par deux valets endormis. Pierre ouvre discrètement la porte de service et les deux hommes pénètrent dans la maison.
Ils se déplacent avec précaution dans les couloirs sombres, guidés par les plans de Pierre. Ils arrivent devant le bureau du percepteur, une pièce luxueusement meublée où trône un coffre-fort massif. Jean-Baptiste sort un jeu de crochets et se met au travail. Ses doigts agiles manipulent les mécanismes complexes de la serrure. Après quelques minutes de tension, un déclic se fait entendre. Le coffre-fort est ouvert.
À l’intérieur, une montagne de pièces d’or et de bijoux étincelle à la lumière d’une bougie. Jean-Baptiste et Pierre remplissent leurs sacs à ras bord. Mais alors qu’ils s’apprêtent à partir, ils entendent un bruit derrière eux. Le percepteur est là, en robe de chambre, un pistolet à la main.
“Vous ne sortirez pas d’ici vivants !” hurle le percepteur, le visage rouge de colère.
La Fuite et la Trahison
Pierre dégaine son épée et se jette sur le percepteur. Un combat violent s’engage. Jean-Baptiste hésite. Il avait promis de ne pas verser de sang, mais il ne peut pas laisser Pierre se battre seul. Il ramasse une chaise et la brise sur la tête du percepteur, qui s’effondre au sol, inconscient.
“Allons-y !” crie Jean-Baptiste. “Nous devons partir d’ici avant que les gardes n’arrivent.”
Les deux hommes s’enfuient à travers les rues de Paris, poursuivis par les cris des gardes. Ils se séparent dans le dédale des ruelles, se donnant rendez-vous à la Cour des Miracles. Jean-Baptiste arrive en premier à la taverne “Le Chat Noir”. Il attend Pierre pendant des heures, mais son complice ne vient pas.
Soudain, la porte de la taverne s’ouvre et des soldats de la garde royale font irruption. Ils se jettent sur Jean-Baptiste, le maîtrisent et le menottent. “Vous êtes arrêté pour vol et agression !” crie le chef des gardes.
Jean-Baptiste comprend alors qu’il a été trahi. Pierre l’a dénoncé à la police en échange d’une récompense. Il est tombé dans un piège.
Du Gueux au Noble Criminel
Jean-Baptiste est jeté dans les cachots de la Conciergerie, une prison lugubre et humide où croupissent les criminels les plus dangereux de Paris. Il est jugé et condamné à la pendaison. Mais alors qu’il attend son exécution, un événement inattendu se produit. Un messager du roi arrive à la prison et demande à voir Jean-Baptiste.
Le messager explique à Jean-Baptiste que le roi Louis XIV a entendu parler de son histoire. Impressionné par son audace et son intelligence, le roi lui offre une chance de racheter ses crimes. Il lui propose de rejoindre les rangs de la police secrète, une organisation clandestine chargée de déjouer les complots et de traquer les ennemis de l’État. Jean-Baptiste accepte l’offre du roi.
Ainsi, Jean-Baptiste de Valois, le gueux devenu noble criminel, entre au service de la couronne. Il met ses talents de voleur et d’escroc au service du roi, devenant un agent secret redoutable et respecté. Son histoire est une illustration parfaite de la complexité de la société sous Louis XIV, où les frontières entre le bien et le mal sont souvent floues et où les destins les plus improbables peuvent se croiser.