Paris s’endormait, drapée dans un manteau d’encre où les lanternes vacillantes peinaient à percer l’obscurité. Seul le murmure de la Seine, serpent argenté, troublait le silence de la nuit. Pourtant, derrière les murs austères du Vieux Louvre, une autre vie s’agitait, une vie faite de secrets, de serments murmurés, et d’acier froid. C’était l’heure où les ombres prenaient corps, où les plus braves, les plus loyaux, étaient mis à l’épreuve, non par les balles des révolutionnaires, mais par les rites impitoyables d’une fraternité clandestine : les Mousquetaires Noirs.
Ce soir, un nouveau chapitre s’ouvrait. Un jeune homme, à peine sorti de l’adolescence, allait tenter de franchir le seuil interdit. Son nom, Henri de Valois, résonnait faiblement dans les couloirs, un écho timide face à la grandeur de l’institution qu’il aspirait à rejoindre. Ignorant encore les épreuves qui l’attendaient, il se tenait, le cœur battant, dans l’antichambre sombre, attendant l’appel fatidique qui scellerait, peut-être, son destin.
Le Labyrinthe des Épreuves
L’appel ne tarda pas. Une voix grave, caverneuse, résonna, brisant le silence : “Henri de Valois, avancez.” Henri s’avança, les jambes tremblantes, vers une porte massive en chêne, ornée d’une tête de mort finement sculptée. La porte s’ouvrit, révélant un long corridor éclairé par des torches vacillantes. L’air était lourd d’encens et d’une odeur métallique, âcre, qui lui saisit les narines. Il s’engagea dans le corridor, les yeux rivés sur le dos d’un homme encapuchonné qui lui faisait signe de le suivre. Le silence était assourdissant, seulement interrompu par le bruit de leurs pas résonnant sur le sol pavé.
Le corridor débouchait sur une cour intérieure, vaste et désolée. Au centre, un bassin d’eau sombre reflétait les flammes des torches. Autour du bassin, une dizaine d’hommes, tous vêtus de noir et masqués, se tenaient immobiles, leurs épées dégainées. Le guide d’Henri s’arrêta devant le bassin et se tourna vers lui. “Ici commence votre épreuve, jeune homme,” dit-il d’une voix rauque. “Pour devenir un Mousquetaire Noir, vous devez prouver votre courage, votre loyauté et votre maîtrise de l’épée. Vous affronterez vos peurs, vos faiblesses et, peut-être, la mort elle-même.”
Un des hommes masqués s’avança, son épée pointée vers Henri. “Votre premier test est le courage,” dit-il. “Vous devez traverser le bassin, en affrontant les illusions qui vous tourmenteront. Si vous cédez à la peur, vous échouerez.” Henri prit une profonde inspiration et s’avança vers le bassin. À peine avait-il fait quelques pas que l’eau se mit à bouillonner. Des voix spectrales, murmurant des noms et des accusations, s’élevèrent des profondeurs. Des images effrayantes, des visages déformés par la haine et la douleur, surgirent à la surface. Henri sentit la peur l’envahir, le paralyser. Il pensa à son père, mort au combat, à sa mère, veuve et désespérée, et à ses propres rêves de gloire et de vengeance. Mais il se rappela aussi le serment qu’il avait fait, le serment de protéger la couronne à tout prix. Il ferma les yeux, serra les poings et continua d’avancer, ignorant les illusions qui l’assaillaient. Finalement, il atteignit l’autre côté du bassin, tremblant mais victorieux.
Le Serment du Sang
Le deuxième test se déroula dans une salle sombre, éclairée uniquement par une chandelle solitaire. Henri fut mené devant un autel de pierre sur lequel reposait un poignard d’argent. Le guide lui tendit le poignard. “Votre deuxième test est la loyauté,” dit-il. “Vous devez prouver que vous êtes prêt à tout sacrifier pour la couronne, même votre propre vie. Prenez ce poignard et prêtez le serment du sang.”
Henri prit le poignard, la main moite. Il connaissait le serment du sang : un serment solennel, scellé par une goutte de sang, qui engageait celui qui le prononçait à servir la couronne jusqu’à la mort. Il regarda le poignard, puis les visages masqués qui l’observaient avec une intensité glaçante. Il savait que ce serment le lierait à jamais aux Mousquetaires Noirs, qu’il ne pourrait plus jamais faire marche arrière. Mais il savait aussi que c’était son devoir, sa raison d’être. Il leva le poignard et, d’une voix ferme, prononça les paroles sacrées : “Je jure, devant Dieu et devant vous, de servir la couronne de France avec loyauté et dévouement, jusqu’à mon dernier souffle. Je jure de protéger le roi et la reine, de défendre leurs droits et leurs biens, de combattre leurs ennemis, quels qu’ils soient. Je jure de garder le secret de cette fraternité, de ne jamais révéler son existence à quiconque n’en fait pas partie. Et je jure, par mon sang, de respecter ce serment, au péril de ma vie.” Il se taillada le doigt et laissa une goutte de sang tomber sur l’autel. Le serment était prononcé.
L’Art de la Lame Invisible
Le troisième test, et le plus redoutable, se déroula dans une salle d’armes. Henri fut confronté à un maître d’armes, un homme grand et musclé, dont le visage était caché derrière un masque de fer. “Votre troisième test est la maîtrise de l’épée,” dit le guide. “Vous devez prouver que vous êtes capable de manier l’arme avec grâce, précision et efficacité. Vous affronterez le maître d’armes dans un duel à mort.”
Henri sentit le sang se glacer dans ses veines. Il avait manié l’épée toute sa vie, mais il n’avait jamais affronté un adversaire aussi redoutable. Le maître d’armes se tenait immobile, son épée pointée vers lui. Il n’y avait ni provocation, ni arrogance dans son attitude, seulement une détermination froide et impitoyable. Henri prit sa propre épée et se prépara au combat. Le duel commença. Le maître d’armes attaqua avec une vitesse et une puissance incroyables. Henri parvint à parer les premiers coups, mais il sentit la pression augmenter à chaque instant. Le maître d’armes était plus fort, plus rapide, plus expérimenté que lui. Il savait qu’il ne pourrait pas tenir longtemps. Il devait trouver un moyen de surprendre son adversaire, de le déstabiliser.
Il se souvint alors des leçons de son père, un ancien Mousquetaire Noir. Son père lui avait appris que l’épée n’était pas seulement une arme, mais un instrument de précision, un prolongement de l’esprit. Il lui avait appris à anticiper les mouvements de son adversaire, à exploiter ses faiblesses, à utiliser la ruse et la feinte pour le désarmer. Henri prit une profonde inspiration et se concentra. Il observa attentivement les mouvements du maître d’armes, analysant ses points forts et ses points faibles. Il remarqua que son adversaire avait tendance à se découvrir légèrement lorsqu’il portait un coup puissant. Il décida d’exploiter cette faille.
Il feignit de reculer, attirant le maître d’armes dans une attaque. Au moment où son adversaire lança son coup, Henri esquiva habilement et contre-attaqua avec une vitesse fulgurante. Son épée frappa le maître d’armes à l’épaule, le désarmant. Le maître d’armes recula, surpris. Henri ne lui laissa pas le temps de réagir. Il se jeta sur lui, son épée pointée vers sa gorge. Le maître d’armes leva les mains en signe de reddition. Le duel était terminé.
Le Réveil des Ombres
Après avoir réussi les trois épreuves, Henri fut conduit dans une salle où l’attendaient les autres Mousquetaires Noirs. Le guide retira son capuchon, révélant un visage sévère mais bienveillant. “Vous avez prouvé votre courage, votre loyauté et votre maîtrise de l’épée,” dit-il. “Vous êtes digne de rejoindre nos rangs. À partir d’aujourd’hui, vous êtes un Mousquetaire Noir.” Les autres Mousquetaires s’avancèrent et lui serrèrent la main. Ils lui offrirent un manteau noir et une épée, symboles de son appartenance à la fraternité. Henri revêtit le manteau et prit l’épée. Il sentit une vague de fierté et de détermination l’envahir.
Le guide, qui se révéla être le Grand Maître de l’ordre, s’avança. “Votre initiation est terminée,” dit-il. “Mais votre entraînement ne fait que commencer. Vous devez apprendre à maîtriser les arts de la dissimulation, de l’espionnage et de l’assassinat. Vous devez devenir une ombre, un instrument de la justice royale. Vous devez être prêt à tout sacrifier pour protéger la couronne.” Henri hocha la tête, solennel. Il était prêt. Il était prêt à devenir un Mousquetaire Noir, à servir la France dans l’ombre, à défendre la couronne contre tous ses ennemis. Le serment de minuit avait été prononcé, scellant son destin à jamais.
Ainsi, au cœur de la nuit parisienne, un nouveau protecteur royal était né. Un guerrier de l’ombre, prêt à tout pour préserver la flamme fragile de la monarchie, dans un monde en proie aux tourments et aux révolutions. L’histoire, elle, continuait de s’écrire, à l’encre du sang et du secret.