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  • La Cour des Miracles: Un Repaire de Voleurs et de Pestiférés

    La Cour des Miracles: Un Repaire de Voleurs et de Pestiférés

    Paris, 1848. La fumée des barricades s’est dissipée, mais une autre fumée, plus insidieuse, persiste : celle de la misère et de la maladie. Sous le vernis de la Ville Lumière, dans les ruelles sombres et labyrinthiques qui serpentent derrière les grands boulevards, se cache un monde oublié, un cloaque de désespoir et de déchéance connu sous le nom de la Cour des Miracles. Un repaire de voleurs et de pestiférés, un endroit où la mort rôde à chaque coin de rue, plus implacable que les gardes nationaux.

    Ce n’est pas un simple quartier pauvre. C’est un royaume à part, avec ses propres lois, ses propres coutumes, et son propre roi : le Grand Coësre, un homme aussi craint qu’il est respecté parmi cette populace déshéritée. On y croise des mendiants exhibant des infirmités contrefaites, des pickpockets agiles comme des singes, des prostituées aux visages marqués par la variole, et des familles entières entassées dans des taudis insalubres, où la lumière du jour ne pénètre jamais. La Cour des Miracles, un nom ironique pour un lieu où seul le miracle de la survie compte.

    La Rue des Ténèbres

    La rue des Ténèbres, c’est l’artère principale de ce dédale infernal. Un ruisseau d’eaux usées, pestilentielles et nauséabondes, la traverse, servant de dépotoir à toutes les immondices. Des enfants décharnés, couverts de crasse, y jouent pieds nus, indifférents aux rats qui grouillent autour d’eux. Les murs des maisons, décrépits et lézardés, suintent l’humidité et la moisissure. L’air y est lourd, saturé d’odeurs fétides : urine, excréments, chair en décomposition, et cette odeur âcre, omniprésente, de la maladie.

    Je me souviens d’un jour particulièrement sombre. J’accompagnais le Docteur Dubois, un médecin dévoué qui consacrait sa vie à soigner les misérables de la Cour des Miracles. Il était armé d’une courage inébranlable et d’une patience infinie. Nous nous frayions un chemin difficilement, esquivant les ordures et les regards méfiants. Soudain, un cri déchirant retentit. Une femme, le visage tuméfié par la fièvre, gisant sur le pavé, se tordait de douleur. “La peste ! La peste !”, hurlaient les passants, s’écartant précipitamment.

    Le Docteur Dubois, sans hésiter, s’agenouilla près d’elle. “Ne craignez rien, ma fille”, dit-il d’une voix douce. “Je vais vous aider.” Il l’examina avec attention, malgré l’odeur pestilentielle qui se dégageait de son corps. “Ce n’est pas la peste”, annonça-t-il finalement. “C’est une fièvre typhoïde, aggravée par la malnutrition et les conditions insalubres.” Il sortit de sa sacoche quelques remèdes rudimentaires et lui administra une potion amère. “Il faut la transporter dans un endroit plus propre”, dit-il. “Où pourrait-on l’emmener ?”

    Un vieil homme, au visage buriné par la misère, s’approcha. “Il n’y a pas d’endroit propre ici, Monsieur le Docteur”, dit-il d’une voix rauque. “Mais je connais une cabane abandonnée, au fond de la rue. C’est mieux que rien.”

    Le Royaume du Grand Coësre

    Nous suivîmes le vieil homme à travers un dédale de ruelles sombres et étroites. Finalement, nous arrivâmes devant une cabane délabrée, aux murs effondrés et au toit percé. C’était le royaume du Grand Coësre. Au centre de la pièce, assis sur un trône improvisé fait de caisses et de chiffons, se tenait le roi de la Cour des Miracles. Un homme imposant, au visage marqué par les cicatrices et au regard perçant. Il était entouré de ses gardes du corps, des brutes épaisses armées de couteaux et de gourdins.

    “Que voulez-vous ?”, demanda-t-il d’une voix tonnante. “Et qui vous a autorisés à pénétrer dans mon royaume ?”

    Le Docteur Dubois s’avança. “Nous sommes venus chercher refuge pour cette femme malade”, dit-il. “Elle a besoin de soins urgents.”

    Le Grand Coësre fixa la femme d’un regard froid. “Elle est condamnée”, dit-il. “Pourquoi gaspiller vos remèdes sur une mourante ? Ici, la mort est notre lot quotidien. Nous n’avons pas le temps de nous lamenter sur les faibles.”

    “Même les faibles ont droit à la dignité”, rétorqua le Docteur Dubois. “Et même les mourants ont droit à un peu de compassion.”

    Le Grand Coësre sourit d’un air narquois. “La compassion est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre”, dit-il. “Ici, chacun se bat pour sa propre survie. La loi de la jungle, Monsieur le Docteur. C’est la seule loi qui compte.”

    Malgré ses paroles cyniques, le Grand Coësre finit par céder. Peut-être était-ce la détermination du Docteur Dubois, ou peut-être était-ce un reste d’humanité enfoui au plus profond de son cœur. Il autorisa la femme à rester dans la cabane, à condition que le Docteur Dubois s’occupe d’elle lui-même. “Mais ne vous attendez pas à ce que je vous aide”, prévint-il. “Ici, chacun est seul face à son destin.”

    La Fièvre et le Désespoir

    Le Docteur Dubois s’installa donc dans la cabane, transformant cet endroit misérable en un semblant d’hôpital de fortune. Il soigna la femme avec dévouement, lui prodiguant des soins constants et lui donnant les rares provisions qu’il pouvait se procurer. Mais la fièvre ne faiblissait pas. La femme délirait, hurlant des mots incohérents et se débattant contre d’invisibles ennemis. Le Docteur Dubois, épuisé mais obstiné, restait à son chevet, veillant sur elle comme un père sur son enfant.

    Pendant ce temps, la Cour des Miracles continuait de vivre, ou plutôt de survivre, dans le chaos et la misère. La maladie se propageait comme une traînée de poudre, fauchant les faibles et les vulnérables. Chaque jour, des corps étaient emportés, jetés dans des fosses communes sans cérémonie ni compassion. La mort était devenue une banalité, une partie intégrante du paysage.

    Un soir, alors que la fièvre de la femme atteignait son paroxysme, le Docteur Dubois sortit de la cabane, désespéré. Il avait besoin d’aide, de médicaments, de nourriture. Mais où trouver de l’aide dans cet endroit maudit ? Il erra dans les ruelles sombres, implorant les passants de lui venir en aide. Mais tous détournaient le regard, effrayés par la maladie et par la misère. Finalement, il arriva devant le trône du Grand Coësre.

    “Je vous en supplie”, dit-il. “Aidez-moi. Cette femme va mourir si je n’obtiens pas des médicaments et de la nourriture.”

    Le Grand Coësre le regarda avec un mélange de mépris et de curiosité. “Vous êtes bien naïf, Monsieur le Docteur”, dit-il. “Vous croyez vraiment que je vais gaspiller mes ressources pour sauver une mourante ? Ici, chacun doit se débrouiller seul.”

    “Mais vous êtes le roi !”, s’écria le Docteur Dubois. “Vous avez le pouvoir d’aider. Vous avez le devoir de protéger votre peuple.”

    Le Grand Coësre éclata de rire. “Roi de quoi ?”, dit-il. “Roi des pouilleux, roi des pestiférés, roi des morts-vivants ? Je n’ai aucun pouvoir ici, Monsieur le Docteur. Je ne suis qu’un symbole, une illusion. La seule chose que je puisse vous offrir, c’est un conseil : abandonnez. Laissez cette femme mourir en paix. Vous ne pouvez rien faire pour elle.”

    L’Aube et l’Espoir

    Le Docteur Dubois, abattu, retourna à la cabane. Il s’assit au chevet de la femme, la prenant dans ses bras et lui murmurant des paroles réconfortantes. Il savait qu’elle était sur le point de mourir. Il savait qu’il avait échoué. Mais il ne pouvait pas se résoudre à l’abandonner. Il resta là, à veiller sur elle, jusqu’à l’aube.

    Et alors, un miracle se produisit. Au moment où le soleil se levait, la fièvre de la femme commença à baisser. Elle ouvrit les yeux et le regarda avec un sourire faible. “Merci”, murmura-t-elle. “Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi.”

    Le Docteur Dubois était stupéfait. Il n’en croyait pas ses yeux. La femme était en train de guérir. La fièvre avait disparu, remplacée par une lueur d’espoir. Il continua à la soigner avec dévouement, et jour après jour, elle reprit des forces. Finalement, elle fut capable de se lever et de marcher. Elle était sauvée.

    La nouvelle de sa guérison se répandit comme une traînée de poudre dans la Cour des Miracles. Les habitants, incrédules, vinrent la voir de leurs propres yeux. Ils avaient assisté à un miracle. Un miracle de compassion, de dévouement, et d’espoir. Peut-être, se dirent-ils, la Cour des Miracles n’était pas condamnée à la misère et à la mort. Peut-être qu’il était encore possible de trouver de la lumière dans les ténèbres.

    Le Docteur Dubois resta encore quelques semaines dans la Cour des Miracles, soignant les malades et apportant un peu de réconfort aux désespérés. Puis, il quitta cet endroit maudit, emportant avec lui un souvenir indélébile de la misère et de la souffrance humaine, mais aussi un souvenir d’espoir et de résilience. La Cour des Miracles restait un repaire de voleurs et de pestiférés, mais elle avait aussi prouvé qu’au cœur de l’enfer, il pouvait encore exister un peu de paradis.

  • Vivre (et Mourir) dans la Fange: La Cour des Miracles Dévoilée

    Vivre (et Mourir) dans la Fange: La Cour des Miracles Dévoilée

    Mes chers lecteurs, préparez-vous à une descente aux enfers. Oubliez un instant les dorures des salons, les bals scintillants et les intrigues amoureuses qui font le sel de nos chroniques habituelles. Aujourd’hui, nous allons explorer les entrailles de Paris, là où la lumière du soleil peine à percer et où la Mort règne en maîtresse absolue. Nous allons plonger dans la Fange, ce cloaque immonde que l’on nomme, avec une ironie cruelle, la Cour des Miracles.

    Imaginez, si vous l’osez, un labyrinthe de ruelles étroites et tortueuses, pavées de boue et d’immondices. Des masures délabrées, croulant sous le poids des années et de la misère, s’y entassent pêle-mêle, laissant filtrer à peine un filet de lumière. L’air y est saturé d’odeurs nauséabondes, un mélange écœurant d’urine, d’excréments, de charogne et de maladies. C’est ici, au cœur même de notre belle capitale, que survivent, ou plutôt agonisent, les oubliés de la société : mendiants, voleurs, estropiés, prostituées et enfants abandonnés. Un peuple spectral, rongé par la faim, la crasse et les épidémies, qui vit et meurt dans l’indifférence générale. Préparez vos mouchoirs, mes amis, car le spectacle qui vous attend est loin d’être agréable.

    La Peste, Reine de la Cour

    La maladie, mes chers lecteurs, est la compagne la plus fidèle des habitants de la Cour des Miracles. La peste, le choléra, la typhoïde, la variole… toutes ces horreurs y prolifèrent avec une facilité déconcertante, trouvant un terrain fertile dans la promiscuité, le manque d’hygiène et la malnutrition. J’ai vu des familles entières décimées en quelques jours, leurs corps squelettiques jetés à la hâte dans des fosses communes, sans cérémonie ni compassion. Les enfants, particulièrement vulnérables, meurent comme des mouches, leurs petits corps déformés par le rachitisme ou rongés par la tuberculose.

    J’ai rencontré une femme, nommée Margot, qui vivait dans une masure délabrée avec ses trois enfants. Son mari, un ancien charretier, était mort de la typhoïde quelques semaines auparavant. Margot, elle-même affaiblie par la faim et la maladie, tentait de survivre en mendiant quelques sous dans les rues avoisinantes. Ses enfants, couverts de gale et de poux, erraient pieds nus dans la boue, cherchant désespérément quelque chose à manger. Un jour, j’ai vu le plus jeune, un garçonnet de cinq ans, mourir dans ses bras, victime d’une fièvre violente. Ses yeux grands ouverts fixaient le ciel gris, comme s’il cherchait une réponse à l’injustice de son sort. Margot, brisée par le chagrin, n’a même pas eu la force de pleurer. Elle a simplement enroulé le corps de son enfant dans un vieux sac et l’a abandonné au bord d’un chemin, près d’un tas d’ordures. Quelle horreur, mes amis, quelle horreur !

    Le Commerce de la Misère

    Mais la misère, mes chers lecteurs, est aussi une source de profit pour certains individus sans scrupules. Dans la Cour des Miracles, tout se vend et tout s’achète, même la dignité humaine. Des marchands véreux y proposent des aliments avariés à des prix exorbitants, profitant du désespoir des affamés. Des usuriers sans cœur prêtent de l’argent à des taux usuraires, condamnant leurs victimes à une servitude éternelle. Et bien sûr, il y a les proxénètes, qui exploitent sans vergogne les jeunes filles désespérées, les entraînant dans la spirale infernale de la prostitution.

    J’ai été témoin d’une scène particulièrement révoltante. Un homme, un certain Dubois, tenait une sorte de boutique immonde où il vendait du pain rassis et de la viande avariée. Une jeune femme, enceinte et affamée, est entrée dans sa boutique et lui a demandé un morceau de pain. Elle n’avait que quelques sous en poche, mais elle était prête à tout pour nourrir son enfant à naître. Dubois, avec un sourire cruel, lui a proposé un morceau de pain moisi, en lui demandant un prix exorbitant. La jeune femme a protesté, en lui expliquant qu’elle n’avait pas les moyens de payer. Dubois, sans la moindre compassion, l’a chassée de sa boutique, en lui lançant des insultes grossières. J’ai été révolté par cette scène, mais je n’ai rien pu faire. J’étais impuissant face à la cruauté de cet homme et à la misère de cette jeune femme.

    Les Enfants Perdus

    Les enfants, mes chers lecteurs, sont les victimes les plus innocentes de la Cour des Miracles. Abandonnés par leurs parents, orphelins de naissance ou de maladie, ils errent dans les rues, livrés à eux-mêmes, sans protection ni éducation. Ils apprennent à survivre en volant, en mendiant ou en se prostituant. Ils sont les proies faciles des adultes sans scrupules, qui les exploitent et les maltraitent sans vergogne. Ils grandissent dans la violence et la misère, sans espoir d’un avenir meilleur.

    J’ai rencontré un groupe de gamins, âgés de cinq à dix ans, qui vivaient dans une masure abandonnée. Ils étaient dirigés par un garçon plus âgé, un certain Gavroche, qui avait une intelligence vive et un sens de la débrouillardise hors du commun. Gavroche se chargeait de trouver de la nourriture et de l’abri pour ses camarades. Il les protégeait des dangers de la rue et leur apprenait à voler sans se faire prendre. Malgré leur situation désespérée, ces enfants conservaient une certaine joie de vivre et un sens de la solidarité. Ils jouaient dans la boue, chantaient des chansons paillardes et se racontaient des histoires. Ils étaient les seuls à se soucier les uns des autres dans cet enfer de misère. Mais leur innocence ne pouvait pas durer éternellement. Un jour, j’ai appris que Gavroche avait été arrêté par la police pour vol. Ses camarades, livrés à eux-mêmes, ont rapidement sombré dans la délinquance et la prostitution. Leur destin était scellé.

    L’Espoir, une Lueur Fugace

    Malgré toute cette horreur, mes chers lecteurs, il arrive parfois que l’espoir pointe son nez, comme une lueur fugace dans l’obscurité. J’ai rencontré des individus courageux et généreux, qui se consacrent à aider les plus démunis. Des sœurs de la charité qui soignent les malades et les blessés, des prêtres qui réconfortent les mourants et des philanthropes qui distribuent de la nourriture et des vêtements. Ces personnes sont rares, mais elles existent, et leur action est précieuse. Elles sont la preuve que même dans les endroits les plus sombres, la bonté humaine peut encore briller.

    J’ai notamment été impressionné par le travail d’un jeune médecin, le docteur Dubois (un homonyme du marchand véreux, je vous rassure), qui avait choisi de consacrer sa vie aux habitants de la Cour des Miracles. Il soignait gratuitement les malades, leur fournissait des médicaments et leur donnait des conseils d’hygiène. Il se battait sans relâche contre les préjugés et l’indifférence de la société. Il était convaincu que même les plus démunis avaient droit à la dignité et au respect. Le docteur Dubois était un véritable héros, un exemple à suivre. Mais son combat était difficile et souvent décourageant. Il était constamment confronté à la maladie, à la misère et à la mort. Et il savait que malgré tous ses efforts, il ne pourrait jamais éradiquer complètement la souffrance dans la Cour des Miracles.

    Alors, mes chers lecteurs, que retenir de cette exploration des bas-fonds de Paris ? Que la misère et la maladie sont des réalités terribles, qui existent au cœur même de notre société. Que l’indifférence et l’égoïsme sont des péchés mortels, qui contribuent à perpétuer la souffrance. Mais aussi, que l’espoir et la bonté humaine sont des forces puissantes, qui peuvent éclairer les ténèbres et apporter un peu de réconfort aux plus démunis. N’oublions jamais ces leçons, mes amis. Et engageons-nous, chacun à notre manière, à construire un monde plus juste et plus humain. Souvenez-vous de la Fange, et agissez pour qu’elle ne soit plus qu’un mauvais souvenir.

  • La Cour des Miracles: Un Cloaque de Misère Où la Peste Rôde!

    La Cour des Miracles: Un Cloaque de Misère Où la Peste Rôde!

    Le vent, porteur d’effluves fétides, s’engouffre dans les ruelles tortueuses, véritables boyaux purulents de cette ville que l’on ose encore appeler Paris. La nuit, épaisse comme un linceul, dissimule mal les plaies béantes de la misère. Ici, au cœur de la Cour des Miracles, la crasse est reine, la maladie, sa servante, et la mort, une invitée permanente. Les pavés, rarement lavés par la pluie, sont maculés d’immondices de toutes sortes, un mélange écœurant de détritus alimentaires, d’excréments et de liquides douteux, le tout grouillant d’une vie microscopique et menaçante. C’est dans cet antre de désespoir, où les ombres dansent une sarabande macabre, que notre récit prend racine, un récit de souffrance, de courage et de survie, mais aussi, et surtout, un avertissement à ceux qui, derrière les dorures et le faste, feignent d’ignorer l’existence de ce cloaque immonde.

    L’odeur est suffocante, un cocktail nauséabond de latrines à ciel ouvert, de linge crasseux jamais lavé, de chairs malades et de soupes rances. Elle vous prend à la gorge, vous écrase les poumons, vous imprègne les vêtements et vous suit, tel un spectre, bien après avoir quitté ce lieu maudit. Mais pour ceux qui y vivent, ceux qui n’ont connu que la misère et l’abandon, cette pestilence est presque une compagne, un rappel constant de leur condition, une sorte de baptême putride qui les unit dans la souffrance.

    La Misère, Reine des Lieux

    La Cour des Miracles. Un nom ironique, n’est-ce pas? Car ici, point de miracles, si ce n’est celui, amer et cruel, de survivre un jour de plus. Les habitations, si l’on peut les appeler ainsi, sont des masures délabrées, des cabanes faites de bric et de broc, de planches vermoulues et de toiles déchirées, à peine capables de protéger leurs occupants des intempéries. Le jour, la lumière filtre difficilement à travers les interstices, plongeant les intérieurs dans une pénombre constante, propice à la prolifération des rats et autres vermines. La nuit, l’obscurité est absolue, troublée seulement par la lueur vacillante de quelques chandelles misérables, et par les cris et les gémissements qui percent le silence.

    J’ai croisé, au détour d’une ruelle, une femme, le visage creusé par la famine, serrant contre elle un enfant maigre et fiévreux. Ses yeux, autrefois peut-être brillants d’espoir, étaient désormais éteints, résignés. Je lui ai tendu une pièce de monnaie, un geste insignifiant, je le sais, mais qui a suffi à raviver une étincelle dans son regard. “Merci, monsieur,” a-t-elle murmuré, d’une voix rauque, “que Dieu vous bénisse.” Mais quel Dieu, je me suis demandé, peut bien bénir un lieu pareil?

    Un peu plus loin, un groupe d’enfants, pieds nus dans la boue, se disputaient un morceau de pain moisi. Leur joie, aussi éphémère que fragile, contrastait douloureusement avec la misère qui les entourait. Ils étaient les enfants de la Cour des Miracles, condamnés dès leur naissance à une vie de souffrance et de privations. Leur innocence, déjà ternie par la dureté de leur existence, était une blessure ouverte dans mon cœur.

    Le Spectre de la Peste

    Mais la misère n’est pas le seul fléau qui frappe la Cour des Miracles. La peste, ce spectre hideux, rôde en permanence, guettant la moindre faiblesse, le moindre signe de défaillance. Elle se propage rapidement, favorisée par la promiscuité, le manque d’hygiène et la malnutrition. Les corps, déjà affaiblis par la faim et les maladies, sont une proie facile pour ce mal implacable.

    J’ai vu des familles entières décimées en quelques jours, emportées par la fièvre et les bubons. J’ai entendu les lamentations déchirantes des mères, pleurant la perte de leurs enfants. J’ai vu les corps, déformés par la maladie, jetés à la hâte dans des fosses communes, sans cérémonie, sans respect, comme de vulgaires déchets. La mort, ici, est banale, quotidienne, une présence familière qui ne suscite plus qu’indifférence et résignation.

    Le Docteur Armand, un homme dévoué et courageux, se bat sans relâche contre la peste. Il parcourt les ruelles, soignant les malades, distribuant des remèdes, prodiguant des conseils. Mais ses efforts sont vains, dérisoires face à l’ampleur de la catastrophe. Il est seul, épuisé, désespéré, mais il continue, animé par une foi inébranlable en l’humanité.

    “Monsieur,” m’a-t-il confié, un jour, les yeux rougis par la fatigue, “ce n’est pas seulement la maladie qui tue ces gens. C’est la misère, l’abandon, le manque d’espoir. Tant que ces conditions ne seront pas améliorées, la peste reviendra, encore et encore.” Ses paroles résonnent encore dans mon esprit, un appel à la conscience, un plaidoyer pour la justice.

    Les Voleurs et les Mendiants

    La Cour des Miracles est également un refuge pour les voleurs, les mendiants et autres marginaux, ceux que la société rejette et condamne. Ils se sont regroupés ici, formant une communauté à part, régie par ses propres règles et ses propres lois. Ils volent pour survivre, mendient pour manger, et se battent pour défendre leur territoire.

    J’ai rencontré Gavroche, un jeune garçon espiègle et débrouillard, qui vit de larcins et d’expédients. Il connaît tous les recoins de la Cour des Miracles, tous les passages secrets, toutes les cachettes. Il est le roi de la rue, respecté et craint par tous. Mais derrière sa façade de dureté, j’ai perçu une vulnérabilité, une soif d’affection, un besoin d’être aimé.

    J’ai assisté à une scène de vol, un pickpocket dérobant une bourse à un bourgeois imprudent. La victime, furieuse, a hurlé à l’aide, mais personne n’a bougé. Les habitants de la Cour des Miracles sont solidaires entre eux, ils ne dénoncent jamais leurs semblables. Ils savent que la survie dépend de la solidarité et de la discrétion.

    Mais cette solidarité a ses limites. La violence est omniprésente, les règlements de comptes sont fréquents. La Cour des Miracles est un lieu dangereux, où la vie ne vaut pas grand-chose.

    Un Espoir Fragile

    Malgré la misère, la maladie et la violence, il existe, au cœur de la Cour des Miracles, un espoir fragile, une lueur ténue qui refuse de s’éteindre. C’est l’espoir d’une vie meilleure, d’un avenir plus radieux, d’un monde plus juste.

    J’ai vu des femmes se battre pour protéger leurs enfants, des hommes travailler dur pour nourrir leur famille, des jeunes gens rêver d’un métier, d’une éducation, d’une vie digne. Ils sont les héros de la Cour des Miracles, ceux qui refusent de se laisser abattre, ceux qui continuent à croire en l’humanité.

    J’ai rencontré une jeune fille, nommée Marie, qui apprend à lire et à écrire grâce à un vieux prêtre, un homme bon et généreux. Elle rêve de devenir institutrice, d’aider les enfants de la Cour des Miracles à s’élever au-dessus de leur condition. Elle est l’incarnation de l’espoir, la preuve que même dans les endroits les plus sombres, la lumière peut jaillir.

    Le soleil se lève enfin sur la Cour des Miracles, chassant les ombres et dissipant la brume. Un nouveau jour commence, un jour de lutte, de souffrance, mais aussi d’espoir. Car même dans ce cloaque de misère, la vie continue, obstinément, courageusement, défiant la mort et la désespérance.

    En quittant la Cour des Miracles, je suis envahi par un sentiment ambivalent. Un mélange de tristesse, de colère, mais aussi d’admiration et d’espoir. J’ai vu la misère dans toute son horreur, mais j’ai aussi vu la résilience de l’âme humaine, sa capacité à survivre et à espérer, même dans les pires conditions. Il est impératif que les autorités prennent conscience de la situation de la Cour des Miracles et agissent pour améliorer les conditions de vie de ses habitants. Il est de notre devoir, en tant que citoyens, de ne pas oublier ces oubliés de la société, de ne pas fermer les yeux sur leur souffrance. Car leur sort est lié au nôtre, et leur humanité est une part de la nôtre.